Information presse
Paris, le 25 juin 2009
Calcium à l’intérieur des neurones : élément-clé de la production des peptides amyloïdes dans la maladie d’Alzheimer
?
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative d’origine complexe. Elle est liée à la mort progressive des neurones. Cette destruction touche d’abord l’hippocampe, une petite zone du
cerveau impliquée dans les mécanismes de mémorisation puis s’étend peu à peu à tout le tissu cérébral. Parallèlement, des dépôts amyloïdes s’accumulent sous forme de plaques séniles dont les
peptides Abêta sont un des principaux constituants. Deux équipes américaines, dirigées par le Philippe Marambaud et Fabien Campagne, en association avec deux équipes de l’Inserm, l’unité 744 «
Santé Publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement » et l’unité 614 « Génétique médicale et fonctionnelle du cancer » aux côtés de chercheurs britanniques et
italiens, viennent d’identifier une nouvelle protéine impliquée dans le mécanisme de production de ces peptides A bêta. Cette protéine est une glycoprotéine transmembranaire qui contrôle les
niveaux de concentration en ions Calcium [Ca 2+] à l’intérieur des cellules. Les chercheurs ont montré qu’une mutation au sein du gène codant cette protéine modifie à la fois la concentration en
[Ca 2+], et la production des peptides A bêta. Sur une population de 3 400 hommes et femmes, cette mutation est aussi associée à une augmentation de risque de développer la maladie d’Alzheimer.
Cette glycoprotéine serait en fait un constituant essentiel d’un nouveau canal calcique cérébral contrôlant le niveau de production des peptides A bêta et la susceptibilité à la maladie
d’Alzheimer. Le détail de ces travaux est publié dans la revue Cell datée du 27 juin 2008 L’origine de la maladie d’Alzheimer est hétérogène. Elle repose sur l’interaction entre des facteurs de
risque environnementaux mal connus et une susceptibilité individuelle d’origine génétique complexe. Aujourd’hui, le seul gène de susceptibilité à la maladie identifié sans ambiguïté ne suffit pas
à expliquer l’ensemble des cas de la pathologie. Depuis plusieurs années, une région du chromosome 10 a été identifiée comme pouvant contenir un ou plusieurs gènes de susceptibilité à cette
affection. Partant de l’hypothèse que de nombreuses pathologies neurodégénératives sont induites par des dysfonctionnements de gènes exprimés essentiellement dans le système nerveux, les
chercheurs ont repéré dans des banques de gènes ceux qui s’exprimaient de manière prédominante dans l’hippocampe, et situés sur le chromosome 10. C’est ainsi que les chercheurs ont pu identifier
un gène dont la fonction était inconnue et qui pouvait être impliqué dans la maladie. Ils ont montré que le produit de ce gène contrôlait les concentrations intracellulaires d’ions calcium [Ca
2+] et l’ont baptisé CALHM1 (pour CALcium Homeostasis Modulator 1). Les ions calcium jouent un rôle très important de « messager » à l’intérieur de la cellule. Une augmentation ou une baisse de
concentration intracellulaire de Ca2+ enclenche dans la cellule un certain nombre de réactions en cascade. Par des techniques de biologie moléculaire spécifiques, les chercheurs ont pu
caractériser le produit de ce gène ainsi que certaines de ses propriétés biologiques. Il s’agit d’une glycoprotéine transmembranaire retrouvée en grande quantité dans le cerveau. Sa structure
spatiale comprend une boucle hydrophobe traversant la membrane cellulaire, laissant supposer aux chercheurs que CALHM1 fonctionne comme un composant d’un canal ionique laissant passer les ions
Ca2+. Des expériences d’électrophysiologie ont permis de confirmer cette hypothèse. Le rôle de cette protéine dans la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer a été montré grâce à
l’identification d’une mutation associée au risque de survenue de cette affection. Une étude regroupant un total de 3 304 cas et témoins provenant de 4 populations indépendantes a permis de
montrer que la présence d’au moins une copie de cette mutation augmentait le risque de développer la maladie d’Alzheimer de l’ordre de 40 %. En outre, les auteurs mettent en évidence
l’association entre cette mutation et la dérégulation du transport des ions calcium à l’intérieur de la cellule. Ils montrent, simultanément, le lien entre cette mutation et le contrôle du
métabolisme de la protéine précurseur de l’amyloïde (APP), à l’origine d’un accroissement de la production de peptide A bêta. Ces résultats apportent des éléments nouveaux et convergents pour
étayer l’importance de l’influence des ions calcium dans la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit d’une avancée essentielle pour comprendre le potentiel « dialogue pathologique »
entre les déficiences de signalisation par le Ca 2+ et les voies d’accumulations du peptide A bêta. « Ces travaux ont permis de mettre en évidence une nouvelle famille de canaux ioniques
cérébraux dont certains variants pourraient constituer des facteurs de susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer, estiment les auteurs. L’identification de CALMH1 devrait permettre de
mieux comprendre le rôle de ces ions calcium dans les mécanismes d’accumulation du peptide A bêta au sein du cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer ». Restera ensuite à explorer les
nouvelles approches thérapeutiques dégagées.
Pour en savoir plus > Source « A polymorphism in CALHM1 influences Ca2+ homeostasis, Aβ levels, and Alzheimer’s disease risk» Ute Dreses-Werringloer1, Jean-Charles Lambert2, Valérie
Vingtdeux1, Haitian Zhao1, Horia Vais3, Adam Siebert3, Ankit Jain3, Jeremy Koppel1, Anne Rovelet-Lecrux4, Didier Hannequin4, Florence Pasquier5, Daniela Galimberti6, Elio Scarpini6, David Mann7,
Corinne Lendon8, Dominique Campion4, Philippe Amouyel2, Peter Davies1,9, J. Kevin Foskett3, Fabien Campagne10,*, and Philippe Marambaud1,9,* 1Litwin-Zucker Research Center for the Study of
Alzheimer’s Disease, The Feinstein Institute for Medical Research, North Shore-LIJ, Manhasset, NY, USA 2Unité Inserm744, Institut Pasteur de Lille, Université de Lille II, Lille, France
3Department of Physiology, University of Pennsylvania School of Medicine, Philadelphia, PA, USA 4Unité Inserm 614, Faculté de médecine, Rouen, France 5Department of Neurology, University
Hospital, Lille, France 6Department of Neurological Sciences, Dino Ferrari Center, IRCCS Ospedale Maggiore Policlinico, University of Milan, Milan, Italy 7Greater Manchester Neurosciences Centre,
University of Manchester, Manchester, UK 8Molecular Psychiatry Group, Queensland Institute of Medical Research, Brisbane, Australia 9Department of Pathology, Albert Einstein College of Medicine,
Bronx, NY, USA 10Department of Physiology and Biophysics, and HRH Prince Alwaleed Bin Talal Bin Abdulaziz Alsaud Institute for Computational Biomedicine, Weill Medical College of Cornell
University, New York, NY, USA Cell, 27 juin 2008 > Contacts chercheurs Philippe Amouyel Directeur Unité Inserm 744 Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au
vieillissement Tel : 06 86 43 23 34 Mel : philippe.amouyel@pasteur-lille.fr Jean-Charles Lambert Responsable d’équipe Inserm U744 Recherche de déterminants moléculaires des maladies
neurodégénératives par approches transcriptomiques et gène candidat Tel : 03 20 87 73 91 / 06 80 95 53 25 Mel : jean-charles.lambert@pasteur-lille.fr